Avant d'être publiée, je pensais que le métier d'écrivain consistait en plusieurs phases autour de l'écriture : la préparation, les recherches, la rédaction, les relectures, les corrections, encore des corrections, encore des relectures, de l'attente, des bêta-lectures, des corrections, et des envois aux éditeurs (en gros).
Par contre, une fois que le(s) roman(s) sont acceptés par un éditeur, tout un nouveau pan du métier se révèle. Autant pour l'écriture en elle-même, on peut se préparer, s'améliorer tout seul dans son coin, autant pour tout ce qui concerne le personnage public qu'on devient peu à peu, il faut faire son expérience sur le terrain.
Je vais donc essayer de partager ma modeste expérience sur la face cachée du métier, on ne sait jamais, ça peut servir !
Les relations avec la Presse :
Là, à moins d'avoir fait la une de tous vos journaux municipaux depuis votre victoire au tournoi d'échec en CM2, je ne vois pas trop comment vous auriez pu vous préparer !
De mon côté, c'est même encore plus vicieux et faussé : ma mère était correspondante de presse dans un journal local, et j'imaginais naïvement que tous les journalistes que j'allais rencontrer fonctionnaient comme elle. Ce n'est pas le cas !
Je vous le dis tout de suite : n'imaginez pas que l'auteur de l'article va faire comme dans ces magazines qui ponctuent certaines réponses de stars de "(rire)" quand la star rit en répondant (ce qui permet de voir le second degré de sa réponse... c'est formidable). Si vous répondez en faisant une blague, il y a de fortes chances qu'elle passe au premier degré. Si.
[De mon côté, si j'en crois certains articles, j'ai visiblement affirmé que j'attendais un coup de fil de Spielberg pour l'adaptation de mon premier roman en film *insérez ici un smiley qui roule des yeux*].
En radio ou en télé, le ton passe mieux, bien sûr... mais à moins d'être en direct, il y a toujours le risque du montage.
Mes conseils : faites des phrases courtes, simples, avec une seule idée à la fois. Appuyez sur ce que vous voulez que le journaliste retienne (une déformation est si vite arrivée...). Répondez directement à la question, puis développez (et pas l'inverse).
Les salons :
Ça, c'est un domaine plus familier, en général. On a tous (au moins une fois) parcouru les allées d'un salon du livre. Et, quand on écrit, on s'imagine tous un jour de l'autre côté de la table. "Quand je dédicacerai, je...".
Pourtant, on n'est pas forcément prêt à la réalité, à se retrouver assis pendant des heures à regarder passer des gens en souriant, les voir vous juger, juger vos livres, devoir pitcher en quelques phrases un roman dont on peinait déjà à écrire un synopsis de trois pages, et encaisser les lecteurs pas intéressés comme autant de lettres de refus d'éditeur.
Pas de panique, amis auteurs, vous aussi vous bredouillerez au début. Mais, très vite, vous découvrirez quelques astuces (je vais vous en livrer certaines).
Personnellement, je n'avais en tête qu'un seul fantasme : attribuer un signe de caste fedeylin à chaque dédicace (ça m'amuse toujours autant).
Dans mes premiers salons, j'ai demandé à des auteurs avec plus de bouteille s'ils avaient des conseils : plusieurs, sans se concerter, m'ont dit : "il te faut des tampons". Et c'est vrai que c'est chouette ! Ça plait beaucoup aux lecteurs, et ça habille bien mes pattes de mouche (dans lesquelles j'ai toujours peur de faire des fautes d'orthographe, mais je crois que ça me restera toujours. Je me réveille encore parfois en sueur au milieu de la nuit parce que j'ai fait une faute dans le livre d'or d'un salon et qu'il me faut attendre des mois pour pouvoir la corriger !).
Mes conseils : Entraînez-vous à résumer l'accroche de votre roman en quelques phrases, ça vous permettra de ne pas laisser traîner un trop long "euhhhhhhh" à la question "de quoi ça parle ?". La bonne accroche viendra toute seule, au fur et à mesure des discussions avec de potentiels lecteurs : ne pas trop en dire, mais suffisamment pour donner envie !
Après, pour l'attitude en salon, ça dépend de votre personnalité : certains se calent au fond de leur chaise et attendent que des lecteurs prennent l'initiative de leur parler, d'autres alpaguent les passants façon marché aux bestiaux... c'est selon. Moi, je fais entre les deux : je souris, prête à engager la conversation quand je vois que les lecteurs accrochent sur les couvertures, mais sans non plus sauter sur chaque passant !
J'avoue que c'est plus facile quand on a plusieurs romans à proposer : on a moins l'air d'un camelot qui essaye à tout prix de vendre son produit : on discute de nos univers, de ce qu'on fait... et, quand on écrit en jeunesse, les "cases" aident à parler des livres ("Pour un garçon de 8 ans ? Plutôt celui-ci. Pour une fille de 14 ans ? Plutôt celui-là").
Côté dédicaces, difficile de personnaliser chaque petit mot (surtout face à de parfaits inconnus !). On m'a conseillé (et je transmets) d'avoir une dizaine de phrases différentes par roman, et de broder autour. J'avoue que ça aide bien (d'une part quand il y a la queue et qu'il activer le mouvement, et d'autre part quand, comme moi, on a peur des fautes !).
Les fans :
Un jour, on vous demande un autographe. Oui, à vous, là, qui vous demandez ce qui se passe vu qu'aux dernières nouvelles vous n'avez pas sorti de single n°1 des ventes, qui n'êtes même pas passé "dans le journal de Claire Chazal lalalalala" (ne me remerciez pas pour l'air dans la tête, c'est cadeau).
Ou on vous demande de poser pour une photo avec le fan en question.
Passé la surprise (normale), vous vous exécutez avec au fond des yeux un brin de "qu'est-ce que je fais là ?".
Respirez, amis auteurs, ce n'est qu'une autre facette de ce métier à laquelle vous n'étiez pas préparé !
Car oui, du moment où on passe de l'autre côté de la table, on n'est plus un être humain aux yeux des gens qui déambulent dans le salon, mais un Auteur avec un grand A (même si on écrit pour enfants ["ah, bon, alors ça va !"] ou pire, de la fantasy [ce sous-genre pour ado attardé, hein]).
Mes conseils : Profitez. Amusez-vous. C'est rigolo, non ? Même si, dans l'absolu, ça vous mets mal à l'aise, c'est quand même hyper flatteur de se faire prendre en photo à côté de quelqu'un qui a aimé votre/vos livre(s).
Et comment résister à la petite bouille d'un mini-fan pour qui on représente quelqu'un d'extraordinaire et qui tend un morceau de cahier déchiré pour y apposer un autographe ?
Je me souviens d'un salon, où j'étais assise à côté de Mary-Janice Davidson, et chaque fois que quelqu'un voulait être pris en photo avec elle... elle était d'accord, à condition de prendre elle aussi une photo du fan ! J'ai trouvé ça super sympa (de garder une trace, nous aussi, de ces rencontres). Si j'avais son culot, je crois que je le ferais aussi ! (peut-être dans quelques années...)
Les séances photos :
Autre point auquel on ne pense pas "avant" : la communication visuelle. En général, un éditeur vous demande (ou fait faire) des photos, histoire de pouvoir communiquer sur votre tête. Certains en impriment même une sur la 4ème de couverture du roman, ou sur un rabat.
Si vous avez publié des nouvelles, peut-être que le fanzine/webzine/ la revue vous a demandé de fournir une photo. Alors, vous avez demandé à votre mari/femme/à un ami, etc, de vous prendre en photo avec un angle avantageux. Peut-être avez-vous (consciemment ou non) reproduit ce que vous avez en tête quand on vous dit "photo d'auteur" (je vous renvoie à cet excellent article : http://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20130206.OBS7945/les-8-astuces-pour-reussir-une-mauvaise-photo-d-ecrivain.html).
Là encore, ce n'est pas naturel ni évident et, surtout, ce n'est pas franchement quelque chose auquel on pense entre le syno, les 22 étapes de Truby, et ce satané chapitre 4 qu'il va falloir réécrire.
Personnellement, je vous parlais tout à l'heure de ma maman, dont le métier de correspondante de presse incluait la prise de photo pour illustrer ses articles. Nous étions au temps de l'argentique, et elle développait ses pellicules à la maison, histoire d'envoyer les négatifs avec l'article qui va bien. Quel rapport avec moi ? Disons que je servais de cobaye pour terminer les pellicules auxquelles il ne restait que quelques poses et qu'il fallait absolument développer le soir même. Soyons juste, ma sœur aussi (mais je crois que ça l'amusait moins que moi). Depuis toute petite, donc, quand on braque un appareil photo sur moi, je souris instantanément (une habitude).
Ajoutez à ça quatre années d'appareil dentaire qui font que le chantier buccal dont j'ai longtemps eu honte est devenu un véritable sourire que je ne cache plus, ainsi que *attention coming-out* un rapide passé de Miss *c'est bon, j'ai avoué, n'en parlons plus*, vous comprendrez que ce n'est pas la facette qui me gêne le plus dans ce métier.
Mes conseils : réfléchissez à l'image que vous voulez dégager... mais n'essayez pas de devenir quelqu'un d'autre. Si vous êtes gothique au quotidien, normal de le rester en salon. Mais si vous décidez de mettre systématiquement un chapeau à chacune de vos apparitions publiques, essayez de penser à long terme : est-ce que vous n'allez pas vous lasser, au bout d'un moment ? Et vous retrouver coincé par cette image qui ne vous correspond plus ?
Quant aux photos... là encore, soyez naturel. Ne prenez pas ça comme une punition ou un passage obligé. Pas la peine de faire votre diva genre "je n'aime pas qu'on me prenne en photo" : ça, ça passe entre amis, ou avec la famille, mais du moment où vous êtes Auteur (toujours ce grand A), ça paraît plus bizarre qu'autre chose (qui n'a jamais grincé des dents en voyant, dans une anthologie, la seule photo d'auteur qui ne montrait pas le visage de celui-ci mais ses doigts, lui caché derrière un livre, ou un objet le représentant symboliquement ?).
C'est bon, c'est juste une photo. Rien ne vous empêche de vous mettre un peu en valeur (c'est quand même une image qui reste, hein, et qui circule) mais amusez-vous avec ça !
Allez, je vous laisse, il faut que je réfléchisse à la tenue que je vais porter lors de ma prochaine séance photo ! (rire)
À part ça, vous avez des questions ?
Un passé de Miss ?
RépondreSupprimerQuoi, ce n'est pas le truc le plus important à retenir de l'article ?
Plus sérieusement, je confirme tout ça (tout du moins tous les éléments sur les dédicaces, salons et articles. Pour les photos, ça ne m'est jamais arrivé (mais c'est sûrement par manque d'un passé de Miss :-) )
Prendre toute cette vie publique sans pression, avec naturel, c'est le plus important finalement.
Parler de mon livre sur un salon... Je n'en suis encore pas là (loin de là, en fait), mais rien que d'y penser, j'ai les dents qui jouent des castagnettes. Comment on fait quand on est une timide maladive incapable d'aligner deux mots cohérents devant un inconnu ?
RépondreSupprimer@Guillaume : ça n'a pas duré longtemps (je n'étais pas assez grande), c'était dans ma période féministe-qui-ne-veut-pas-juger-sans-essayer, et ça reste plutôt un bon souvenir, quand même !
RépondreSupprimer@Cher Anonyme : J'ai oublié de préciser que j'ai été agoraphobe (je le suis encore un peu, mais je me suis soignée, donc ça va mieux) et je suis du coup super fière de moi quand je vois que j'arrive à sortir de chez moi et à parler à des inconnus (alors que j'en aurais été incapable il y a 10 ans).
Mon conseil : prévoir des vêtements réservés à son activité d'auteur, comme un costume de super-héros psychologique. Avant d'aller en salon, hop, on enfile son costume, et tout à coup, ce n'est plus vraiment nous mais notre double d'auteur, celui qui est capable de parler de ses romans !
(mais ça se prépare aussi psychologiquement ! "Heureusement" les délais de l'éditions sont assez longs entre le "oui" et la sortie du premier roman pour se faire à l'idée !).
Un article bien utile à lire et à relire! Merci du partage du vécu :)
RépondreSupprimerJe n'ai pas décidé de porter un chapeau. J'en ai porté un, genre, deux fois, alors que j'avais déjà fait des dédicaces sans, parce que j'avais envie de me faire plaisir (mes apparitions "en tant qu'auteur" étant l'occasion rêvée de sortir des tenues que j'ai peu de chances de porter par ailleurs). Et puis, lors de la dédicace suivante, on m'a demandé pourquoi je n'en portais pas. Le chapeau était devenu mon signe distinctif malgré moi.
RépondreSupprimerC'est maintenant devenu le moyen le plus sûr de savoir si je suis quelque part pour dédicacer (avec chapeau/diadème/truc sur la tête) ou simplement en touriste (tête nue).
En revanche, je n'ai pratiquement pas de relations avec la presse, trop petits éditeurs, trop timide moi-même pour savoir me mettre en avant.
@Cindy : Merci :)
RépondreSupprimer@Oph : J'avais hésité pour le chapeau (j'adore en porter, mais je ne le fais pas souvent... pis j'ai une tête à chapeau !). Finalement, j'avais laissé tomber tout de suite, avant même d'essayer, parce que je me suis rendue compte que j'allais me lasser.
J'ai préféré choisir l'option "foulard", plus discret, et pratique parce que, quand même, on pèle souvent de froid le matin, en salon ! ^^
Je plussoie Cindy ! Très instructif ton article ;-) Et c'est toujours chouette d'avoir le vécu d'auteur, ça apprend beaucoup et ça permet de relativiser :)
RépondreSupprimer"féministe-qui-ne-veut-pas-juger-sans-essayer" à 13 ans ???? Hu hu hu !
RépondreSupprimerTrès intéressant sinon ! Mais je suis d'accord avec Guillaume, à la lecture de l'article, on retient surtout ton passé de Miss ! !!!!
Tatie P.
@Earane : Merci ;)
RépondreSupprimer@Tatie P. : d'abord j'avais 15 ans, et ensuite, je me souviens très distinctement avoir déclaré "on n'est pas des morceaux de viande, quand même !" avant de me décider à m'inscrire (pour voir si on n'était pas des morceaux de viande, quand même).
M'enfin, on ne va pas débattre de ça ici.
T'as l'air d'être quelqu'un de très gentil et de marrant ! C'est sympa de nous faire partager tes expériences ! Merci !
RépondreSupprimerCher(e) Anonyme, sache que, non seulement je suis effectivement très gentille, et hyper sympa, mais en plus d'une modestie à toute épreuve (ce qui ne gâche rien !).
RépondreSupprimerAutant pour moi !
RépondreSupprimerTatie P.
(tu noteras que c'est toi qui lance le débat, hein)
PS : et donc, morceaux de viande ou pas ?
;)